Thierry CHURIN - Le château d'Alençon vers 1440
121
1990 - fouille au pied de la mairie (page 3)
Réinterprétation en 2005

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Extrémité du sondage vers l'entrée de la mairie.


Extrémité du sondage vers la rue de Bretagne.

Interprétation des couches :

 
1001 : sol apparemment naturel [couche de grès armoricain stable]
1002 : sol apparemment naturel [plaquettes de grès armoricain tassées 
liées par de l'argile grise assez claire, stérile]
1003 : premières traces d'occupation diluées [plaquettes et blocs de 
grès armoricain tassés ; liant noirâtre argilo humique avec parcelles de 
charbon de bois et de céramique pourrie ; un tesson savonneux orange inclus]
1004 : mur (?) le plus ancien = MU4 [blocs d'arkose nettement 
appareillés et argile rouille locale (liant nettement plus rouille que MU1)]
1005 : couche d'occupation médiévale [terre humique contenant un 
tesson médiéval rougeâtre, un peu de charbon, de l'argile ; gris assez clair]
1006 : couche de construction de MU1 ? [arkose et argile locale]
1007 : couche d'occupation ou d'abandon après récupération de sol ou 
dégradation de MU1 et MU2 [humus et cailloux]
1008 : identique à 1007 [un peu plus clair que 1007]
1009 : démolition du logis MU1 [blocs d'arkose de petite taille, sans 
ordre et argile locale liant de MU1]
1010 : sol de la lice [dallage grossier de grès ferrugineux usé en surface ; 
lié par de l'argile rougeâtre]
1011 : épaisse couche d'occupation et d'abandon de la lice [couche noire 
humique contenant des morceaux de tuiles (sans toutefois former des lits) ;
ainsi que de la poterie surtout concentrée au sommet de la 
couche, au contact avec MU3]
1012 : couche de démolition du rempart extérieur MU 3 [humus
très caillouteux et traces de mortier]
1013 : couche d'abandon après la démolition du rempart extérieur, 
comblement du fossé [couche noirâtre humique, sableuse, 
granulosité fine (a pu être mise en culture)]
1014 : couche de démolition du rempart principal MU 2 et du mur du logis MU1 
[couche riche en argile, arkose et cailloux, blocs impropres à une réutilisation :
matériaux provenant des deux murs en lits alternés semi mélangés]
1015 : couche d'abandon après démolition des deux murs 
[couche noire humique, granulométrie fine comme 1013]
1016 : couche de nivellement [couche rougeâtre, sombre, avec des blocs]
1017 : couche de nivellement de 1014 [couche de même nature que 1014]
1018 : remblai de nivellement avant construction de la mairie 
[humus et petits cailloux tassés]
1019 : remblai consécutif à la construction de la mairie, comble la 
tranchée de fondation [remblais de terre et gravats de construction, jaunâtre]
1020 : remblai non daté [humus et pierraille]
1021 : comblement de la tranchée de fondation de MU5 [humus et gravats]

Les blocs 1004 : le mur MU 4.
Un rang de blocs d'arkose est apparu sous le mur du logis, parallèlement à la courtine MU 2. Il correspond vraisemblablement à la première assise d'un mur détruit avant la construction du logis car il en est séparé par une couche d'humus 1005. C'est donc la plus ancienne structure observée, mais il a été impossible de l'interpréter en raison de l'exiguïté du sondage.


Le mur MU 5 dans le square

Une construction frustre, correspondant sans doute à une construction en tranchée, a été observée à l'extrémité ouest du sondage, sous la pelouse du square.

A l'observation de la stratigraphie nord-est, cette structure apparaît nettement postérieure à la destruction de la braie, et pourrait donc dater du XIX ème s.

Conclusions
Du nouveau sur le château

Les structures

Grâce aux plans anciens, nous avons pu interpréter assez facilement les vestiges découverts en fouille, surtout les deux murs d'enceinte et probablement l'extrémité du logis. Le sol de circulation entre les deux gros murs, désigné "fausses braies" sur le plan de L. Hedin a été mis en évidence à l'altitude 132,80 m, soit 3,80 m sous le perron de la mairie. Le fond du fossé n'a pas été recherché faute de temps, mais il peut difficilement être inférieur à 131,75 m (niveau le plus bas du fond actuel de la rivière près de la tour couronnée). Les sols du rez de chaussée de la grande salle  n'ont pas été retrouvés à cause des destructions anciennes ou de la pelleteuse.


La chronologie

Il est tout d'abord confirmé qu'il y a eu plusieurs phases de construction et de destruction des bâtiments du château, au même endroit. Nous ne les avons probablement pas toutes vues puisque nous ne sommes pas allés jusqu'à la vase naturelle de la Briante. Rappelons qu'une vingtaine d'ébauches de  meules romaines ont été trouvées dans cette vase en 1882, à quelques dizaines de mètres, sous l'annexe de la mairie, face à la Caisse d'Épargne, montrant une occupation des lieux encore plus ancienne.

Dans la partie fouillée en 1990 :

- les quelques blocs désignés MU 4 ont été posés les premiers, probablement entre le XI ème et le XIII ème s.
- après une phase d'abandon d'une durée indéterminée, ils ont été recouverts par la construction du logis (MU 1). Le mur côté rue de Bretagne de ce bâtiment formait peut-être déjà la limite défensive du château.
- puis dès avant 1431 (date de réparation) cette limite prend la forme de deux solides murailles montées à la chaux, en intégrant le mur ancien du logis. Il est alors fort probable qu'il y ait eu conjointement un net rehaussement du sol de la haute cour (?).
- au XVI ème s., la lice déjà envahie par la végétation (épaisse couche d'humus), sert de dépotoir. Les déchets pouvaient être jetés directement par les fenêtres des cuisines qui donnaient sur la Lice. Nous y trouverons quantité de débris de vaisselle domestique : pichets, coquemars, vases à provisions, écuelles, couvercles ; ce sont soit des grès du Domfrontais reconnaissables à leur couleur grise, soit des productions locales, riches en micas, et fréquemment garnis d'une couverte (émaillage) vert à vert jaune, à l'intérieur ou à l'extérieur du vase. François Fichet de Clairefontaine a emporté les 4 - 5 kg de céramique le jour même de la découverte, pour qu'ils soient étudiés au Centre de Recherches Archéologiques Médiévales de Caen.  Il était convenu qu'ils reviendraient au Musée d'Alençon. A ce jour, ils n'y sont pas. Je n'ai pas cherché à en savoir plus et personne ne m'a communiqué de résultats d'une quelconque étude.
- vers 1780, les murailles sont définitivement abattues. La démolition semble en fait s'être étalée sur une longue durée avant la construction de la mairie en 1787 :
1) destruction du mur extérieur (son élévation n'apparaît sur aucune gravure du XVIII ème s. ;
2) comblement du fossé et phase d'abandon ;
3) démolition du rempart principal et des restes du logis ;
4) nivellement et apport de terre pour créer la place.


Évaluation du risque archéologique sous la place Foch

Les fouilles ont montré que les restes du château sont assez bien conservés sous la place : la muraille principale est encore haute de 2,70 m et apparaît, ici, dès 1 m de profondeur. Les blocs d'arkose et de granit dont elle est formée pourraient parfaitement être remis au jour car ils ne sont pas gélifs. Ils n'ont pas  été volés jusqu'à la base des fondations.

Les plans anciens nous démontrent que de telles structures doivent exister un peu partout sous la place, mais il faut considérer ces documents avec prudence : ils sont certainement incomplets car ils nous présentent surtout le dernier état du château. Ils peuvent comporter des erreurs de plusieurs mètres.

Des fouilles préventives me paraissent donc indispensables avant tout aménagement provoquant un creusement supérieur à 50 cm de profondeur. 

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